Telegram, la dernière application mobile privilégiée par Daesh pour communiquer

Après les attentats qui ont fait au moins 129 morts à Paris, les applications de messagerie sécurisées sont dans le viseur des autorités. Quatre jours après ces attaques sans précédent, il n’y a pas de preuve permettant d’affirmer avec certitude que les terroristes s’en sont servi pour communiquer entre eux, mais une plateforme en particulier, appelée Telegram, préoccupe sérieusement les services de renseignement.

9.000 abonnés à la chaîne officielle de Daesh

Déjà très présent sur les réseaux sociaux (et notamment Twitter) où il tente de recruter et où il déploie sa propagande, le groupe terroriste Etat islamique (EI) utilise de plus en plus cette application mobile gratuite qui permet d’échanger des messages chiffrés et d’échapper aux services de renseignement, rapportaient plusieurs médias anglo-saxons comme la BBC ces derniers mois.

Cette année, Telegram a lancé une fonctionnalité « chaîne », qui permet à tout utilisateur de s’adresser à une audience illimitée. Daesh n’a pas hésité à faire la promotion de sa chaîne officielle en ligne. A la mi-octobre, elle comptait 9.000 abonnés. Il y a deux semaines encore, c’est sur cette plateforme que l’EI a affirmé être responsable du crash de l’avion russe dans le Sinaï qui a fait 224 morts, indique le New York Times.

S’il est aisé de savoir que Daesh est présent sur Telegram et de suivre sa chaîne officielle, il reste quasiment impossible d’avoir accès aux échanges privés entre ses membres pour les services de renseignement.

Plus sécurisée et robuste que WhatsApp

Lancée par deux frères russes en 2013, l’application mobile est réputée pour être beaucoup plus sécurisée et robuste que Snapchat, Secret et même WhatsApp, service similaire racheté par Facebook il y a bientôt deux ans. Telegram, dont le siège se trouve à Berlin, a d’ailleurs commencé à émerger en février 2014 après une panne mondiale de WhatsApp qui avait duré près de quatre heures. De très nombreux utilisateurs de la messagerie de Facebook avaient alors cherché une alternative pour communiquer et s’étaient rués sur Telegram.

A ce moment-là, l’application était déjà très populaire sur l’App Store espagnol, ceux de plusieurs pays d’Amérique latine et aussi ceux des pays arabes, avait indiqué un des créateurs du service au site spécialisé The Verge. Aujourd’hui, 12 milliards de messages sont envoyés chaque jour sur Telegram, qui compte environ 60 millions d’utilisateurs actifs mensuels.

Les fondateurs de la plateforme mobile ont tellement confiance en leur technologie assurant la sécurité des échanges qu’ils ont proposé à plusieurs reprises d’offrir 200.000 ou 300.000 dollars à toute personne qui parviendrait à déchiffrer des messages. L’an dernier, il n’y a pas eu de gagnant. Cette communication sur la protection des données est la raison principale pour laquelle Daesh utilise de plus en plus cette plateforme, explique un responsable du FBI à IB Times, même s’il reste présent sur Twitter et Facebook. L’agent du FBI explique que d’autres groupes terroristes comme Al-Qaïda utilisent la plateforme depuis un moment également.

« La vie privée plus importante que notre crainte »

Au cours d’une interview au site spécialisé TechCrunch réalisée en septembre, Pavel Durov, l’un des fondateurs de Telegram, a souligné l’importance de la vie privée pour son entreprise au détriment de la lutte contre la menace terroriste. « Je pense que notre droit à la vie privée est plus important que notre crainte que des choses mauvaises arrivent, comme le terrorisme », a-t-il affirmé, avant d’ajouter : « Au final, l’Etat islamique trouvera toujours un moyen de communiquer. Et si un moyen de communication se révèle insuffisamment sécurisé pour eux, ils en trouveront un autre. Je ne pense pas que nous devions nous sentir coupables. »

Peu après l’attentat à Charlie Hebdo en janvier dernier, le Premier ministre britannique David Cameron avait appelé à bannir toutes les solutions de communication permettant à deux personnes d’assurer la confidentialité de leurs échanges. Il a rapidement fait marche arrière. Mais un projet de loi menace d’interdire au Royaume-Uni le cryptage « de bout en bout » qui empêche par exemple à une entreprise de décrypter un message même si un juge le lui demandait. Une mesure qui risque de trouver un écho en France après les terribles événements de vendredi.